Colloque « Des jeux traditionnels aux jeux numériques », interview de Victor Potier

27 Nov
Colloque « Des jeux traditionnels aux jeux numériques », interview de Victor Potier

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Les 26, 27 et 28 novembre 2014 se déroulait la première édition du colloque international « Des jeux traditionnels aux jeux numériques » à Nancy. À cette occasion, Victor Potier répondait à mes questions.

Bonjour Victor. Pour commencer, peux-tu me raconter un peu qui tu es, ton parcours et ta formation en sociologie ?

Pour commencer simplement, je m’appelle Victor Potier, et je suis doctorant de sociologie au Centre Universitaire Jean-François Champollion d’Albi depuis septembre 2013. Mais si je dois te parler de ma formation, il faut remonter un peu plus en arrière, à partir du début de ma L3 de sociologie-économie à Strasbourg. Quand je suis arrivé à la fac après mes deux années de prépa littéraire, je ne savais pas vraiment comment les cours allaient se passer. Très rapidement, j’ai appris qu’exceptionnellement, la licence de sociologie à Strasbourg prévoyait déjà la réalisation d’un petit mémoire sur une année. Dans la foulée, on nous a expliqué qu’il était indispensable de choisir un objet de recherche qui nous plaise, puisque c’est de cette manière-là que nous pourrions prendre plaisir à travailler, et à titre d’exemple, un étudiant est venu nous présenter ses travaux sur les nudistes ! Or, à cette époque, mon meilleur ami jouait beaucoup à World of Warcraft et je suivais avec passion ses explications sur cet univers parallèle qui me semblait démesurément complexe. N’étant pas moi-même joueur, ma curiosité en fut grandement attisée et je me lançais dans la réalisation d’un mémoire sur l’étude des formes d’organisation de travail au sein des bonnes guildes de joueurs. Armé de ma formation en sociologie du travail et des organisations, je confrontais les concepts classiques aux modes d’organisation dans le jeu, pour finir par démontrer qu’une grande ressemblance se dégageait des univers de jeu et de travail. Par la suite, j’ai engagé un M1 recherche sur la mobilisation du jeu dans les organisations et les lieux de travail, me permettant de rejoindre le séminaire Société Terminale à Strasbourg, puis le groupe de recherche Homo Ludens à Montréal dans le cadre d’un échange universitaire pour mon M2 à l’Université du Québec à Montréal.  

 

Si je ne me trompe pas, tu viens de me dire que tu ne joues pas toi-même. Cela ne rend pas trop difficile l’étude du jeu vidéo ?

Au contraire, je pense que c’est un atout considérable pour deux raisons. La première, d’un point de vue méthodologique, est que cela force à s’immerger dans des cultures, des pratiques, et même jusque dans des vocabulaires inconnus. L’approche du jeu par l’extérieur invite donc à étudier l’objet de manière très complète et assez rigoureuse, sans être pris en défaut par ses propres considérations ou préconceptions implicitement acquises, qui pourraient mettre à mal l’objectivité du chercheur. Et puis, sur tous les chercheurs travaillant sur le monde hospitalier, les ateliers municipaux d’éboueurs ou la restauration rapide, je doute que tous exercent par passion ces métiers et pourtant les recherches se font normalement. De la même manière que les chercheurs/joueurs passionnés doivent prendre garde à se mettre à distance de leur objet, je travaille à m’en approcher au mieux. La deuxième raison, c’est quand dans le domaine de l’étude du jeu, une grande majorité de chercheurs arrivent à ces études de par leur passion initiale pour le jeu. Mais avec l’approche que je développe, je ne peux pas être accusé de chercher à légitimer le jeu.

 

Du coup, sur quel sujet travailles-tu un peu plus précisément aujourd’hui ?

Comme je le disais, j’ai commencé la réalisation de ma thèse de doctorat de sociologie à Albi en septembre 2013, sous la direction de Michèle Lalanne et Franck Cochoy au sein du CERTOP (Centre d’Étude et de Recherche Travail Organisation Pouvoir), afin de réfléchir sur les usages et les développements des jeux sérieux d’apprentissage. Les jeux sérieux sont des objets au statut hybride, puisqu’ils sont proposés aux apprenants en classe ou en formation continue dans le but de manipuler et d’acquérir de nouveaux savoirs. Plus particulièrement, je travaille pour le moment sur le jeu sérieux Mecagenius® destiné à l’apprentissage du génie mécanique du niveau bac-3 à bac+3.

Écran d’accueil de Mecagenius, KTM Advance©

Le jeu est développé par l’équipe Serious Game Research Lab à Albi, sous la direction de Catherine Pons-Lelardeux et Pierre Lagarrigue. Mon approche consiste toujours à mobiliser les cadres de la sociologie de l’activité, pour comprendre les usages du jeu en classe, mais également la sociologie de l’innovation pour en comprendre les stratégies de mise en marché. J’essaye d’aborder les jeux sérieux avec une approche globale, en partant de l’objet technique en classe pour déployer l’ensemble des liens qui unissent tous les acteurs impliqués dans leur développement et leur implantation sur le terrain. Enfin, ma thèse étant cofinancée par la Région Midi-Pyrénées et le CUFR J.-F. Champollion, j’ai la chance de pouvoir accéder à des terrains passionnants, et de pouvoir donner des cours dans le cadre de la licence de sociologie d’Albi.

 

Tu as toi-même donné une conférence dans le cadre de la première édition du colloque « Des jeux traditionnels aux jeux numériques » la semaine dernière, à Nancy. Quel était l’objet du colloque, et dans quel cadre tu y es intervenu ?

J’y suis intervenu pour présenter les derniers résultats de mes recherches sur le jeu sérieux, et pour ça le colloque présentait un cadre idéal. Il s’agissait de réunir pendant trois jours des chercheurs issus de pays différents et de disciplines diverses, tous spécialistes du jeu, pour faire mettre en commun les diverses avancées dans le domaine. Effectivement, et comme l’intitulé du colloque l’indique, le domaine du jeu connait des transformations tout aussi rapides qu’importantes qui représentent des défis considérables pour la recherche, et les étudier au prisme de l’interdisciplinarité et de l’internationalité donne naissance à des réflexions passionnantes. Pour ça, il faut remercier le travail des organisateurs Stéphane Goria et Sébastien Genvo, et de l’ensemble des personnes qui ont rendu possible le déroulement des conférences.

 

Quelle va être la suite pour toi maintenant ?

Évidemment, continuer ma thèse ! Avant mon intervention la semaine dernière à Nancy, j’ai déjà pu présenter à quelques reprises mes travaux dans le cadre d’un Workshop organisé à Albi les 4 et 5 juin derniers sur le thème des Serious Games et lors de l’édition 2014 de l’Université d’été Ludovia à Ax-les-Thermes au mois d’août. Il va donc s’agir pour moi de continuer sur ma lancée, et de continuer à travailler sur le jeu, ce que j’aime vraiment faire. Et puis, pour la suite, je serai très heureux de pouvoir continuer à travailler dans la recherche et l’enseignement !

 

Merci, et bonne continuation !

 

Pour plus d’informations sur le colloque


Sélection musicale de Victor, très bon choix !

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